mardi 21 septembre 2010

La ferme africaine de Karen Blixen


J'ai possédé une ferme en Afrique, au pied du Ngong.

J'ai senti l'Afrique de Karen Blixen m'envahir dès les premiers mots et elle ne m'a pas quittée jusqu'au dernier. Les Kikuyus chuchotent encore à mon oreille, l'ombre de Lullu, l'antilope, se dessine devant mes yeux et la douce impression d'avoir connu, moi aussi, cette terre chaude et mystérieuse ne me quitte plus.

Lorsque mon coeur évoque l'Afrique je revois les girafes au clair de lune, les champs labourés, les faces luisantes de sueur pendant la cueillette du café. L'Afrique se souvient-elle encore de moi? Est-ce que l'air vibre sur la plaine en reflétant une couleur que je portais? Mon nom intervient-il encore dans les jeux des enfants? La pleine lune jette-t-elle sur le gravier de l'allée une ombre qui ressemble à la mienne? Les aigles du Ngong me cherchent-ils parfois?

Je savais que le livre était très différent du film mais je ne pensais pas qu'il l'était à ce point; pas de romance, beaucoup de pudeur, aucune envolée lyrique.
Il s'agit plutôt d'un carnet de voyage, de souvenirs couchés sur le papier. Karen Blixen nous transmet son amour pour l'Afrique et sa crainte de voir ce paysage à jamais détruit. Sa plume se fait nostalgique et poétique, parfois intime et parfois d'une objectivité quasi anthropologique dans ses descriptions des peuples autochtones.

Karen Blixen aime et respecte les animaux et ne manque pas de nous le faire savoir en consacrant des chapitres entiers à Lullu, l'antilope ou encore à Pania, son lévrier.

Je ne sais pas combien de temps peut vivre une antilope. Lullu est peut-être morte depuis longtemps. Très souvent, à l'aube, dans l'apaisement des premières heures du jour, j'ai cru entendre le son argentin de la clochette de Lullu. Est-ce parce qu'elle-même au fond de la forêt rêve de sa clochette? Est-ce que le souvenir des hommes et des chiens, comme des ombres à la surface de l'eau, traverse encore sa jolie tête aux grands yeux humides et aux fines oreilles?

Ses nuits mystérieuses, ses descriptions du rêve et du clair de lune nous transportent dans une ambiance presque gothique.

La présence de Denys est rare mais délicieuse. Il incarne la culture, l'aventure mais aussi, et surtout, la liberté.

A l'ombre de la clairière, me rappelait-il, l'âme devient rossignol.

La troisième et dernière partie du roman est tragique et d’autant plus poignante que La ferme africaine est un récit autobiographique. Tant de courage, de persévérance et de foi en l’avenir force le respect et ne donne qu’une envie, se documenter davantage sur cette femme exemplaire qu’est Karen Blixen.

Tout ce qui m'est arrivé pouvait n'être qu'une succession de coïncidences, autrement dit, une série de malchances; mais toutes devaient plus ou moins, me semblait-il, se rattacher à une même cause.
Et je me disais que si je parvenais à découvrir cette cause, je pourrais peut-être encore échapper à l'effondrement total, mais dans quelle direction orienter mes pensées?
Si seulement j'étais mise sur la bonne voie, sans doute parviendrais-je à la discerner. Il ne me restait plus qu'à me lever et à découvrir un signe.
Bien des gens penseront qu'il est insensé d'attendre un signe du Destin. Pour arriver là, à vrai dire, il faut un état d'esprit que tout le monde, heureusement, ne connaît pas. Mais à ceux qui l'ont connu et qui demandent un signe, la réponse ne peut manquer, elle est une conséquence de la demande.

(avec Pania)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Karen Blixen est un de mes auteurs favoris et tu la cites si bien ! à te lire, j'y retrouve tout son univers qu'elle a tant chéri jusqu'à sa mort. L'Afrique et toutes ses couleurs flamboyantes, sa ferme, les Kikuyus, ses animaux. Quelle grande Femme ! tout en courage, persévérance et bonté ! et Dieu sait si la vie lui a fait peu de cadeaux ! merci Jo pour ce beau voyage, tu me donnes envie de la lire à nouveau et repartir avec elle dans sa ferme en Afrique, au pied du Ngong. ...
vb

Céline a dit…

J'ai adoré ce titre, que je trouve encore plus beau que le film. Il y a une délicatesse, une intelligence et une douceur dans la plume de Karen Blixen que je ne retrouve pas ailleurs.